Rjal et leurs reines

Le printemps arabe et le discours sur la masculinité et la féminite

Le printemps arabe et le discours sur la masculinité et la féminite

La ” chute des dictateurs ” a été célébrée partout comme la victoire bien méritée de la jeunesse opprimée sur une élite dirigeante vieillissante. D’abord en Tunisie, puis en Egypte et en Libye, et à en juger par les troubles dans les autres régions du Moyen-Orient et Afrique du Nord, il est très probable que d’autres nations suivront comme la Syrie et le Yémen. Depuis le début de ces soulèvements, les journaux et les chaînes arabes, conscients de la ” préoccupation ” de l’Occident pour les femmes musulmanes, n’ont eu de cesse de souligner la présence de ces dernières parmi les foules dans les rues tunisiennes et égyptiennes. Anticipant la critique occidentale, Al-Jazeera et d’autres réseaux de télévision arabes ont affiché presque de manière obsessionnelle les images des femmes, pour la plupart voilées, criant lors de leur arrestation par la police. L’affichage stratégique de ces images de femmes était destiné à véhiculer le message que les femmes musulmanes ne sont pas opprimées par les hommes. Elles sont, comme les hommes, les victimes des mêmes oppresseurs : la Tunisie de Ben Ali et l’Egypte de Moubarak. Un examen attentif de sources moins ” officielles “, comprenant les blogs, les vidéos YouTube, et les pages sur Facebook racontent une histoire différente. Ces sources montrent qu’au centre de ces soulèvements existe un désir d’exorciser une autorité féminine afin de récupérer al-rujula, ou la virilité dont les jeunes Tunisiens, Egyptiens, et Libyens sentent qu’ils ont en été dépossédés. Ce travail examine la place de la masculinité et de la féminité dans le discours de ces dites révolutions. La thèse de l’article soutient que bien que les dictateurs aient abandonné le pouvoir, la mentalité masculine-centrique qui leur a permis de gouverner avec une poigne de fer continue à frapper d’incapacité la moitié des jeunes dans ces pays : les femmes.

Les Reines déchues des ” Révolutions “

Pendant que les événements dans le monde arabe se déroulaient, un certain nombre de femmes puissantes, mais méprisées, émergèrent. Leila Trabelsi, épouse de Ben Ali, a été l’une de ces femmes. Les journaux à l’intérieur comme à l’extérieur du monde arabo-musulman ont été dominés par la figure de Leila Trabelsi. Pour les Espagnols, elle était ” la Jefa de La Orquesta ” comme El País la surnomma.1

Dans les publications françaises, elle était devenue ” la Régente de Carthage “, en utilisant le titre de sa biographie française non autorisée, publiée en 2009 par Nicolas Beau et Catherine Graciet. De même, dans les journaux de langue arabe, elle a été décrite comme une manipulatrice, avide de pouvoir, en quête d’or et de fortune. Elle prétendait être à la tête de son ” clan ” pour lequel elle avait obtenu le quasi-monopole de nombreuses industries du pays. De ses origines modestes en tant que simple coiffeuse, elle se hissa pour devenir la femme la plus puissante en Tunisie, rendant son mari impuissant avant même que la rue ne l’ait chassé du pouvoir.

Source: Gigi Ibrahim / Flickr

De la même manière, quoique dans une bien moindre mesure, Suzanne Moubarak était aussi devenue l’objet d’attaques de différents côtés. Les Egyptiens l’ont accusée de manipuler le président. On la croyait être celle qui avait réellement le pouvoir politique en Egypte, tandis que Moubarak était simplement une marionnette qui exécutait ses ordres. Bien avant la révolution, les manifestants avaient scandé dans les rues égyptiennes : ” Suzanne, ya Suzanne, Moubarak libis il-fustan ” (Suzanne, Suzanne, Moubarak a mis une robe). Les féministes égyptiennes, telles que Nawal Saadawi, lui reprochent d’avoir ” tué ” le mouvement féministe.2 Même son mari Hosni Moubarak l’a accusée de lui avoir coûté la perte du pouvoir.3

Une autre reine controversée qui a gagné une place prépondérante dans le monde arabo-musulman dans le sillage des révolutions est l’épouse du roi Abdallah II de Jordanie, la Reine Rania. Son style de vie somptueux, qui est largement documenté sur Internet grâce aux photos et vidéos de YouTube sur son shopping à Saint-Tropez, sur sa socialisation avec la jet-set, et sur sa présence dans les défilés de mode de Paris, ont fait d’elle une célébrité internationale, adulée en Occident et méprisée par la société jordanienne qui est essentiellement conservatrice. En plus de sa visibilité, elle a toujours été critiquée par les tribus du pays pour avoir favorisé les intérêts des Palestiniens sur ceux des Jordaniens. Enfin, au début du mois de février 2011, alors que les événements se déroulaient en Egypte, 36 chefs tribaux ont envoyé une déclaration au roi Abdallah II lui expliquant qu’ ” avant la stabilité et la nourriture, le peuple jordanien recherchait d’abord la liberté, la dignité, la démocratie, la justice, l’égalité, les droits humains et la fin de la corruption. ” Par ” corruption “, ils faisaient référence à la reine Rania qui, comme Leila et Suzanne, a également été accusée de népotisme et d’ingérence dans la politique. Bien que les signataires ne soient pas critiques du roi lui-même, ils l’ont menacé d’une ” crise d’autorité “, à moins qu’il ne mette un terme à ” l’interférence ” de sa femme dans les affaires politiques du pays.4

Le fait que ces reines arabes soient complices de ces régimes qui oppriment les femmes et les hommes est indéniable, même si leur degré de culpabilité peut varier. Tandis qu’aux yeux du monde occidental, ces ” reines ” ont longtemps représenté la figure d’une femme émancipée dont la libération est compatible avec les valeurs islamiques. En réalité, leurs efforts pour promouvoir les droits des femmes n’ont pas abouti à d’importantes réformes pour améliorer le statut des femmes dans leurs pays. Par exemple, comme Nesrine Malik l’a souligné, bien que la Reine Rania soit devenue connue comme défenseure des femmes musulmanes, qui lui a valu une invitation à des spectacles tels que Oprah et d’autres, la Jordanie ” a encore le plus fort taux de crimes d’honneur dans le monde arabe “.5 De la même manière, bien qu’elle ait ” verbalement défendu la cause des femmes “, la préoccupation de Leila Trabelsi pour l’appât du gain économique a plutôt entravé la cause féministe en Tunisie au lieu de la faire progresser.6

Ce qui est dangereux dans ces récits, c’est que ces femmes ont été isolées pour symboliser tout ce qui est problématique dans les régimes répressifs de leurs sociétés patriarcales. Alors que les protestataires contre les dictatures étaient de sexe masculin, leurs reines sont venues à représenter l’autorité illégitime. A travers leur puissance sexuelle exagérée, elles ont attiré des hommes proéminents. Elles ont finalement réussi à s’emparer de l’Etat et de ses richesses, tout en réduisant leurs maris à des rôles de marionnettes impuissantes qu’elles manipulent entre leurs mains. Ironiquement, par rapport à elles, leurs maris, les dictateurs, apparaissent bénins. Le dernier échange entre Leila Trabelsi et Ben Ali, avant de s’échapper de Tunisie présente Ben Ali comme étant impuissant et ” féminin ” en face de la fermeté masculine de Leila. Refusant d’embarquer dans l’avion, il lui aurait dit : ” Je ne veux pas y aller, je veux mourir ici dans mon pays “. N’ayant pas le temps ni la patience pour son patriotisme capricieux, elle lui aurait répondu fermement qu’elle ne pouvait plus supporter sa stupidité.7 On se prendrait presque de pitié pour un Ben Ali repentant comme un enfant.

Comme les figures paternelles qui ont longtemps sous-estimé la valeur réelle de leurs fils, les dictateurs finirent par se libérer, bien que trop tard, du charme et de la tutelle auxquelles leurs épouses les avaient assujettis. La jeunesse rebelle, elle aussi, trouva qu’il était devenu nécessaire de se libérer de la manipulation des reines, à travers un récit qui vilipendait ces femmes. De cette manière, l’angoisse de Leila et de Rania, la puissance de Suzanne et de la corruption va au-delà d’une quête de justice. Ce récit précède les ambitions misogynes d’une notion romantique de la masculinité qui ne peut être réalisée qu’après avoir exorcisé le féminin et tué le père oedipien féminisé et infantilisé. C’est alors seulement que de ” vrais ” hommes, ou rjal, émergeront. Contrairement à leurs pères détrônés, les nouveaux sujets politiques de sexe masculin ne cèderont pas le leadership aux femmes.

Rjal de la Révolution

Restaurer leur rujula a été l’un des principaux objectifs des soulèvements, comme on peut le constater dans leurs connotations misogynes. C’est une ” révolution ” dont seuls les vrais hommes sont capables. Mohamed Bouazizi (1984-2011), dont l’autoimmolation a déclenché les protestations en Tunisie, est devenu rjal (homme) – la quintessence de la virilité. On pouvait ainsi lire sur l’un des commentaires sur des vidéos de YouTube dédiée à l’héroisme de Bouazizi que : ” Mohamed Bouazizi UN HOMME UN VRAI (sic) “.8 En fait, la soi-disant révolution a été initiée par la tentative de Bouazizi pour réaffirmer sa rujula (virilité) après qu’une femme officier de police, Fadila Hamdi, l’ait giflé. Le geste violent de Hamdi aurait été provoqué par des propos de Bouazizi à connotation sexuelle. Après avoir confisqué la balance qu’il utilisait pour peser les fruits, Bouazizi aurait répondu : ” Comment je vais faire pour peser maintenant ? Avec tes seins, peut-être ? “. Mis au défi par l’affirmation de pouvoir d’une femme, la seule défense de Bouazizi contre une telle humiliation était d’imposer sa virilité en lui rappelant ses seins qui, bien que cachés derrière un uniforme de police, trahissent encore sa féminité, une condition qui la rend forcément inférieure à lui dans l’ordre patriarcal. Cependant, quand elle aussi réagit avec violence, par la gifle, c’est sa karama (dignité) qui fut insultée. Comme l’un de ses cousins le rapporta, Bouazizi pouvait regagner son honneur soit en se suicidant, ” ou bien en tuant la femme “.9

Au lieu d’interpeller cette culture misogyne dans laquelle le fait d’être humilié par une femme accroît encore plus l’humiliation et la rend beaucoup plus grave qu’une mort lente et douloureuse, la question après la chute de Ben Ali a été si les Égyptiens, Libyens, Algériens, Jordaniens et autres ont aussi des rjal (hommes) pour accomplir ce que les Tunisiens ont fait. Le journaliste Égyptien Abdel-Halim Qandil a affirmé que ” l’Egypte a besoin d’un homme comme Mohamed Bouazizi “.10 En effet, les émeutes égyptiennes étaient souvent considérées comme des actes de bravoure fructueusement menés par abna’ misr (les fils d’Egypte) tandis que banat misr (filles d’Egypte) n’ont pas été considérées. Sur la page Facebook d’Al-Jazeera un commentateur a écrit que ” lybiya el athima … yelsemha Rajel athim … wliybiya kolha rjal ” (La Libye magnifique a besoin d’un homme magnifique et tous les Libyens sont des hommes).11

Ainsi, tandis que les révolutionnaires ont cherché à créer un mouvement inclusif qui rassemble des gens de tous âges, sexes et milieux socio-économiques, ils l’ont fait en recourant à un discours chauviniste qui a construit la masculinité et les hommes comme étant les seuls agents du pouvoir. Un tel discours est ironiquement une continuation du langage et des pratiques des dictateurs et de leurs régimes, auxquels les soi-disant révolutionnaires se sont opposés et ont renversés. Les dictatures de Ben Ali, Moubarak, Kadhafi et celles des autres régimes arabes ont cherché à dérober les hommes de leur rujula. Par exemple, il a été rapporté que le président libyen Mouammar Kadhafi avait des femmes soldats qui torturaient et exécutaient des hommes politiques subversifs car, dans le contexte de la société arabe patriarcale, l’humiliation par une femme est beaucoup plus grande que celle réalisée par un homme.12 Une méthode bien connue de la torture pratiquée dans les prisons de Ben Ali contre les dissidents politiques était celle du ” poulet rôti “; une méthode qui consistait à suspendre horizontalement le corps nu du prisonnier traversé par une barre insérée entre ses bras et ses cuisses, tandis que les poignets étaient attachés sous ses genoux. Les tortionnaires des prisons de Moubarak n’étaient pas moins créatifs. Selon le Rapporteur Spécial au sein du système des Nations Unies chargé d’enquêter sur la question de la torture en Égypte, les prisonniers en Egypte étaient habituellement déshabillés pour subir leur punition, pendus par les poignets ou les chevilles, et menacés de viol.13 Selon les témoignages d’anciens prisonniers égyptiens, la torture, en particulier de nature sexuelle, était une pratique courante dans les prisons égyptiennes. Les hommes étaient souvent frappés sur leurs testicules, en particulier lors de la réception initiale appelée ” fête d’accueil “, touchés sur leurs parties génitales, maltraités, et même électrocutés dans certains cas.14

Ces méthodes de torture et d’autres parrainées par l’État ont cherché à réduire les hommes à un état de subordination habituellement occupé par les femmes dans les sociétés patriarcales. La torture de nature sexuelle féminise encore le corps de l’ennemi à travers la pénétration. Comme Diana Taylor le dit, celui qui est torturé est féminisé comme étant le réceptif (pénétré) tandis que la personne qui commet l’acte de torture réaffirme sa masculinité comme incertif (pénétrant). L’ ” hétérosexualité ” du tortionnaire reste intacte puisque dans le contexte de l’idéologie masculine de sa propre culture, il se considère comme étant ” au-dessus “, il adhère encore aux idéaux hétéronormatifs de l’interaction sexuelle.15 Cependant, au-delà de la relation individuelle, ces genres de tortures visent à établir l’Etat, à travers sa police et son armée, aussi puissante et masculine, tout en féminisant et subjuguant ses ennemis.

En plus de la torture physique, les femmes étaient également utilisées par les dictateurs et leurs régimes pour continuer à humilier les dissidents politiques mâles. Le viol des femmes a souvent été utilisé comme une stratégie pour dégrader non seulement les femmes, mais le plus souvent les hommes, que ce soit leur mari, leur frère, leur père, ou un autre parent de sexe masculin. Dans les prisons de Moubarak, la violence sexuelle contre les femmes a parfois été utilisée comme une tactique pour obtenir des confessions des hommes.16 La police de Ben Ali a régulièrement violé les femmes pour punir leurs parents dissidents de sexe masculin et afin de dissuader d’autres hommes. Ce fut particulièrement le cas durant le soulèvement en Tunisie comme Sihem Bensedrine, chef du Conseil national pour les libertés civiles, a pu témoigner : ” Dans les régions pauvres, les femmes, qui n’avaient rien à voir avec quoi que ce soit, ont été violées devant leurs familles. Les armes ont freiné les hommes ; les femmes ont été violées devant eux “.17 Dans une plus grande mesure encore, Kadhafi a ordonné à ses policiers d’utiliser la violence sexuelle contre les femmes afin de punir les hommes rebelles. En effet, en raison des cas nombreux de viols, la Cour Pénale Internationale a lancé une enquête contre le président libyen pour son utilisation du viol comme arme de guerre.18

Néanmoins, ce qui est souvent réduit au silence dans les discussions de viol dans le contexte de conflits politiques et militaires, est que la violence sexuelle contre les femmes ne peut être efficace que si les deux parties concernées ne considèrent pas les femmes comme des personnes libres, mais plutôt comme les gardiens de l’honneur des hommes. Le viol dans le cas présent transforme le corps de la femme comme le lieu d’une transaction violente entre les hommes. Un homme déshonore un autre homme sexuellement par la pénétration du corps de la femme de son ennemi. Naji Barakat, ministre libyen intérimaire de la santé, illustra le mieux ce point. Plutôt que de pointer vers l’effet traumatique du viol sur les victimes féminines, Barakat semble être plus préoccupé par la façon par laquelle le viol des femmes par Kaddafi affecte les hommes : ” Je pense que la tactique de Kadhafi était toujours d’essayer d’humilier les Libyens. Une chose qu’il connaissait était que la dignité des femmes était très importante pour les hommes … Il voulait les humilier encore plus en ayant des mercenaires pour le faire […]. C’est une tactique très sale que Kadhafi a adoptée “.19

Bien que de vieux dictateurs et de ” jeunes ” révolutionnaires puissent se trouver sur le côté opposé de l’échiquier politique, ils sont d’accord quant à leur devoir de défendre l’honneur de leurs femmes, de leur chasteté et de leur virginité. Ces notions sexistes et paternalistes qui relient la valeur d’un homme et sa réputation à sa capacité à surveiller et contrôler le comportement sexuel des femmes laisse en fin de compte les femmes vulnérables et exposées à l’agression sexuelle de n’importe quel homme qui cherche à exercer des représailles contre le père de la femme, son frère ou son mari. Par conséquent, les femmes apparentées aux hommes qui étaient pro-dictatoriaux ont également été violées par les ” révolutionnaires “. Ce fut particulièrement le cas en Libye où les rebelles ont été accusés d’avoir violé des femmes, y compris des Nigérianes et d’autres filles et femmes de pays subsahariens, afin de punir leurs parents masculins pour avoir combattu aux côtés de Kadhafi.20

Les hommes loyaux à Kadhafi, ont aussi subi la torture, la mutilation, et l’humiliation ” féminisante ” auparavant réservées aux détracteurs du régime. C’était au tour des rebelles de réaffirmer leur rujula par la violence contre un ennemi féminisé. Kadhafi et son fils ont finalement été tués et dépouillés nus, forcés d’assumer une position ” féminisée ” comme étant pénétrés par le regard des citoyens libyens. Des vidéos ont même montré Kadhafi se faire sodomiser après sa capture par l’un des rebelles. Ainsi, en insistant de manière obsessionnelle sur le fait de se réapproprier leur rujula, les soi-disant révolutionnaires n’ont fait que renforcer les oppositions binaires hiérarchiques déjà établies comme masculin/féminin. Au-delà des implications de ces notions sur le rôle des femmes qui ne seront probablement pas autorisées à jouer un rôle significatif dans la ” post-dictature ” en Tunisie, en Egypte et en Libye, on ne peut s’empêcher d’être sceptique sur les réformes politiques et sociales qui seront menées par des hommes, longuement opprimés, mais qui viennent de retrouver une nouvelle confiance dans leur rujula.

Conclusion

On a beaucoup écrit sur ces soi-disant révolutions, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du monde arabe, la plupart sur des tons de célébration. Les journalistes, blogueurs, YouTubers, Twitterers, et autres activistes et intellectuels ont fait l’éloge de ces bouleversements, les décrivant comme étant un ” tournant ” dans le monde arabe. Certains ont même considéré ces soulèvements comme étant une victoire sur le cynisme du monde occidental, comme Slavoj Zizek l’a écrit dans un article pour The Guardian : ” La sagesse cynique des libéraux occidentaux, selon laquelle, dans les pays Arabes, le véritable instinct démocratique se limite aux élites libérales alors que la vaste majorité de la population ne peut être mobilisée qu’à travers l’intégrisme religieux ou le nationalisme, a été prouvée fausse “.21 Néanmoins, l’obsession pour les ” tournants ” en dit plus sur une culture qui est fascinée par les performances de changement, mais refuse de se libérer du confort du familier. Le ” jasmin “, le ” ful “, et autres soi-disant révolutions ont pu être facilitées par les technologies du XXIe siècle (Twitter, Facebook, YouTube, blogs … etc.), mais la rhétorique en elle-même n’est ni nouvelle ni unique. L’évènement déclencheur en fut la tentative d’un homme pour récupérer sa rujula après qu’une femme l’ait prétendument humilié en public. D’autres Tunisiens, Egyptiens et Libyens lui ont emboîté le pas. D’abord ils se sont débarrassés de leurs Leila, Suzanne, et Aisha Kadhafi. Puis ils ont, de manière figurée ou littérale, tué leurs dirigeants castrés. Ils sont maintenant laissés à se préoccuper de manière pessimiste de leur futur. À en juger par les récents événements, le sens que les changements ont pris ne sera pas significatif. Les révolutions du passé dans les pays musulmans n’ont pas été particulièrement favorables aux femmes, pas plus que celles en cours. Dans l’Egypte postrévolutionnaire, les femmes sont exclues du gouvernement. En Tunisie postrévolutionnaire, la récente victoire du parti islamiste a fait naitre des angoisses sur les droits des femmes. Dans la Libye post-Kadhafi et en réponse à l’annonce d’un retour à la charia, une féministe libyenne a déclaré : ” Nous n’avons pas tué Goliath, afin de vivre maintenant sous l’Inquisition “.22 Ainsi, alors que les hommes ” vrais ” sont célébrés de manière prématurée dans le confort de leur maison derrière l’écran d’ordinateur (le prétendu centre de la révolution), pour les femmes, une véritable révolution n’a pas encore eu lieu.

Suzanne Moubarak a reçu de nombreuses récompenses pour son travail au nom des femmes et des enfants. Toutefois, beaucoup de féministes égyptiennes telles que Nawal Saadawi et Hoda Badran ont souligné que, sous le régime de Moubarak, le droit des femmes s'est détérioré et que les réformes n'ont pas été significatives, www.womensenews.org...

Différentes sources en ligne ont rapporté que juste avant d'annoncer sa démission, Moubarak aurait blâmé sa femme et son fils Gamal pour sa chute. Il les aurait accusés d'avoir " ruiné " son histoire en Egypte, http://www.ikhwanweb.com/article.php?id=28033

Beaucoup de correspondants étrangers ont publié des articles sur la pétition faite par 36 chefs tribaux accusant la reine Rania de corruption, voir par exemple Randa Habib, " Jordan tribes break taboo by targeting queen ", http://www.google.com/hostednews/afp.... La cour royale jordanienne a publié une réponse qui jette un doute sur les allégations contre la reine. La déclaration peut être trouvée ici : petra.gov.jo/Public_News...

Citation traduite de l'anglais (la traduction est mienne). http://www.guardian.co.uk/commentisfree...

Dans " le petit marchand qui a semé le printemps arabe ", Marc Mahuzier commente que pour the Hammami, sans karama (dignité) il n'est plus un rajl (homme) www.ouest-france.fr...

Citation traduite de l'anglais (la traduction est mienne). www.nytimes.com/...

http://www.facebook.com/aljazeeramubasher/posts/222340017778740. Il y a aussi des pages Facebook dédiées à Tunis rjal (hommes de la Tunisie) https://www.facebook.com/rjal.tunis?sk=wall et Regal Misr (les hommes de l'Egypte) https://www.facebook.com/profile.php?id=100000246211009&sk=mur

Comme Robert Worth a souligné dans son article pour le New York Times, " The Surreal Ruins of Qaddafi's Never-Never Land ", sous les ordres de Kadhafi, la torture de dissidents politiques a été réalisée par les femmes afin de continuer à humilier les hommes. Worth inclut l'exemple d'un officier femme dont les méthodes sévères de torture lui ont valu les éloges de son supérieur, également une femme.

Jean Allain, International law in the Middle East: Closer to Power than Justice, Burlington, Ashgate, 2004, p. 211.

Basma M. Abdel Aziz, " Torture in Egypt ", Torture, 2007, vol. 17, p. 50.

L'étude de Taylor met l'accent sur la " guerre sale " en Argentine entre les années 1976 et 1983. Cependant, son analyse de la formation de l'identité et des questions de la masculinité et de la féminité sont très pertinentes dans le contexte arabo-musulman, en particulier dans la façon dont la masculinité est réaffirmée par la domination sexuelle d'un Autre féminisé ; ce qui est encore perçu comme un acte hétérosexuel même lorsqu'il concerne deux hommes : " l'insérant " le partenaire macho ne se considère pas comme homosexuel, en participant à des relations de même sexe. Au contraire, le pénétré, le partenaire " réceptif ", homme ou femme, réaffirme simplement la virilité du macho et sa puissance supérieure. Il a vaincu, battu, et humilié la " féminité " des autres. Cela explique pourquoi le macho se protège violemment de toute attaque par derrière, perçue comme une attaque contre sa masculinité.

Comme Abdel Aziz a souligné dans son examen des méthodes de torture utilisées par la police égyptienne pour obtenir des aveux, les familles des victimes étaient parfois menacées de représailles. Dans certains cas, les membres de la famille de la victime, y compris son conjoint, mère ou père, étaient torturés. Basma M. Abdel Aziz, " Torture in Egypt ", Torture, 2007, vol. 17, p. 50.

Citation traduite de l'anglais (la traduction est mienne). http://www.guardian.co.uk/...

Citation traduite de l'anglais (la traduction est mienne). abcnews.go.com/International...

Des récits poignants ont fait surface sur les abus sexuels des femmes et des hommes, en particulier ceux originaires de l'Afrique subsaharienne, par les " combattants de la liberté " libyen. Par exemple, voir : english.aljazeera.net...; www.alarabiya.net...

Citation traduite de l'anglais (la traduction est mienne). www.guardian.co.uk/commentisfree...

Citation traduite de l'anglais (la traduction est mienne). news.nationalpost.com...

Published 8 February 2012
Original in French
First published by NAQD 29 (2011)

Contributed by NAQD © Ibtissam Bouachrine / NAQD / Eurozine

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