La sécurité : paradigme pour un monde désenchanté
Lorsque quelqu’un marche dans la rue en pleine nuit sans danger, il ne lui vient pas à l’esprit qu’il pourrait en être autrement ; car l’habitude d’être en sécurité est devenue pour nous une seconde nature et l’on ne se rend pas compte que cette sécurité est uniquement le résultat d’institutions particulières.
Hegel, Principes de la philosophie du droit, additif au p. 268.
L’idéal sécuritaire se porte bien, souvent au-delà des cercles où l’on s’attendrait à le voir promu. Plus aucun discours politique, plus aucun programme électoral qui ne fasse du rétablissement de la sécurité, sinon son unique objectif, du moins la priorité d’une action publique crédible. On se souvient des mésaventures du candidat Jospin en 2002 contraint de reconnaître sa ” naïveté ” sur la question, mais on oublie que le Premier ministre Jospin avait déjà, lors du colloque de Villepinte de 1997, amorcé le virage de la gauche gouvernementale vers une prise en compte accrue de la sécurité. C’est qu’il existe désormais une forme particulière d’évidence qui associe politique et lutte contre l’insécurité (ou contre les insécurités, dans un pluriel qui exprime déjà la puissance évocatrice de la notion).
On aurait sûrement tort de voir dans cette promotion du concept de sécurité le simple effet d’une rhétorique plus ou moins populiste parfaitement accordée au désir d’ordre émanant de la société. La sécurité n’est pas l’apanage des discours autoritaires pour cette raison au moins qu’elle permet de reformuler des exigences authentiquement politiques impossibles à écarter d’un revers de la main au nom des prérogatives traditionnelles et nobles ” du ” politique. La mise en place, en 2000, d’une Commission sur la sécurité humaine à l’ONU est tout à fait exemplaire de ce mouvement qui vise à inscrire la sécurité au centre des préoccupations de politique internationale sans pour autant céder aux sirènes de l’ordre et de la restauration des souverainetés étatiques. On peut repérer au moins deux préalables dans cette démarche.
1) Les membres de la Commission déplorent la faiblesse doctrinale des institutions sur ce thème : ” La communauté internationale doit d’urgence trouver un nouveau paradigme de la sécurité1. ” Cette ” urgence ” se laisse aisément déduire des événements contemporains qui, de l’apparition des régimes totalitaires jusqu’au terrorisme mondialisé, ont bouleversé la problématique de la sécurité. Il s’agit, pour le dire rapidement, de conceptualiser le passage d’une approche centrée sur la ” sécurité des États ” (et par les États) à une approche centrée sur la sécurité des individus. Des individus dont l’histoire récente nous a appris qu’ils peuvent être menacés aussi bien par des groupes transnationaux que par leur propre État susceptible à tout instant de se retourner contre eux. Dans le régime contemporain de la menace, l’exigence de sécurité ne se laisse donc plus seulement énoncer dans des termes territoriaux : elle tend à s’universaliser en se particularisant. C’est de l’individu qu’il faut partir et de sa vulnérabilité face à des forces étatiques et/ou criminelles dont les forfaits imposent de penser un nouveau paradigme de la protection2.
2) L’idée sous-jacente à ce rapport est que la ” sécurité humaine ” permet de dire mieux que les droits de l’homme ce qui est tout à la fois exigible et désirable sur un plan politique. Définie comme le souci de ” protéger le noyau vital de toutes les vies humaines, d’une façon qui améliore l’exercice des libertés et facilite l’épanouissement humain3 “, la sécurité humaine ne s’oppose pas aux droits de l’homme mais elle les ” englobe “, ce qui signifie qu’elle permet leur reformulation dans des termes mieux adaptés à l’expérience concrète. C’est la contribution d’Amartya Sen qui est ici la plus rigoureuse, ce pourquoi nous en ferons le fil conducteur de la discussion. Selon lui, la pertinence du concept de sécurité humaine est liée à sa ” richesse descriptive4 ” qui tranche avec le caractère formel, et pour cela souvent inutilisable, des droits subjectifs. Il est bien vrai que l’insécurité dit tout à la fois l’atteinte au corps, à l’intégrité psychique et aux libertés élémentaires des individus, ce qui permet aussi de prendre en compte la particularité des situations. La sécurité fonctionne comme paradigme dans l’exacte mesure où, en désignant l’élémentaire, le minimum exigible en termes de dignité, elle permet de réunir sous un seul terme tout ce qui est politiquement souhaitable.
La force de ce concept de sécurité est en somme d’être minimale dans sa compréhension (il renvoie au ” noyau vital ” de toutes les vies humaines) et maximale dans son extension (il désigne toutes les expériences du déni et de l’injustice). Mais c’est cette prétention à définir le minimum vital tout en décrivant le maximum moral qu’il faut mettre à l’épreuve. L’identification au moins tendancielle du politique et de la sécurité repose en effet sur la vertu métaphorique propre à la notion de sécurité qui lui permet de résumer symboliquement la totalité de ce dont nous avons besoin. Cette particularité sémantique, le terme de sécurité la tire certainement de l’hypothèse spéculative souvent avancée par la philosophie et reprise récemment par Zygmunt Bauman selon laquelle ” la vulnérabilité et l’incertitude humaines sont les fondements de tout pouvoir5 “. Comment, en effet, expliquer la sorte d’évidence qui s’attache au lien entre sécurité et politique sinon par le présupposé selon lequel l’association politique se constitue dans un but de sécurisation des vies ? Aussi bien ce n’est pas ce présupposé que l’on remettra en cause ici, mais seulement l’opération qui consiste à identifier l’origine présumée du lien politique avec la finalité de tout pouvoir. Le risque d’une telle opération consiste à transférer une expérience morale (l’inquiétude) à la sphère politique en occultant ce que le concept de sécurité, en raison même de son extension maximale, charrie avec lui d’équivoques.
Faut-il se satisfaire, sur un plan politique, de cette opération métaphorique au terme de laquelle l’insécurité symbolise l’ensemble des expériences du déni ? Les pages qui suivent sont consacrées à la reconstitution de cette sorte de logique ” annexionniste ” qui subordonne tous les droits exigibles et tous les biens désirables à l’impératif de sécurité. Il s’agit finalement de savoir ce que l’on gagne, mais aussi ce que l’on perd, à traduire nos attentes dans des termes ” sécuritaires ” et à ne voir dans l’institution politique rien d’autre que la réponse à des inquiétudes diffuses. En examinant successivement dans quelle mesure la sécurité peut être considérée comme un droit puis comme un bien, on tâchera de relativiser l’identification aujourd’hui largement répandue entre politique et sécurisation des corps, des vies et des parcours.
La sécurité, premier des ” droits ” ?
Dans le texte qu’il consacre au rapport entre ” sécurité humaine ” et ” droits de l’homme “, Amartya Sen montre que la sécurité a ceci de particulier qu’elle désigne un idéal réaliste par opposition aux droits traditionnellement associés à la personne humaine (liberté, égalité). Si ” la nature fondamentalement normative du concept des droits de l’homme laisse ouverte la question de savoir quelles libertés particulières sont assez cruciales pour compter comme droits de l’homme “, la sécurité humaine permet de donner un contenu à ces droits abstraits. Elle réalise en effet la synthèse entre la liberté (que l’on dira ” substantielle “) d’être à l’abri du besoin et la liberté (plus ” formelle “) d’être libre d’agir pour son propre compte et sous la protection des lois6. En prenant son ancrage dans des revendications subjectives concrètes, le droit à la sécurité inscrit au c¦ur de la vie quotidienne des exigences juridiques et morales qui, sans cela, de¬meureraient indéterminées. La référence à la sécurité permet ainsi de sortir de l’alternative presque aussi ancienne que les droits de l’homme entre les ” droits-liberté ” (droits de) et les ” droits-créance ” (droits à) et de répondre par là même à l’objection de Marx sur le caractère abstrait de l’homme des droits de l’homme. Il y a là, en particulier, le moyen d’inclure des critères sociaux dans l’évaluation des droits tant il est vrai que la sécurité (y compris celle des corps) suppose l’adoption par l’État ou la communauté internationale (via des organisations humanitaires) d’objectifs sociaux déterminés7.
En raison de sa plasticité, le concept de sécurité semble donc susceptible d’exprimer l’ensemble de ce qui est exigible. Cette richesse descriptive n’est pas le propre de la ” sécurité humaine ” : toutes les anthropologies politiques qui mettent le besoin de sécurité au centre de leurs préoccupations ont, sur le procéduralisme libéral, l’avantage de la concrétude. Au niveau de la sécurité des corps, c’est à Hobbes que l’on pense et à l’identification que, le premier, il opère entre désir de sécurité et droit naturel. Si, pour le philosophe, l’État a pour fonction principale de garantir, par sa souveraineté absolue, la sécurité interne, ce n’est pas d’abord pour des motifs d’ordre public, mais parce qu’il existe un et un seul droit naturel à l’homme : celui pour un individu d’user de tous les moyens en vue de la conservation de son être. Le droit à la sécurité désigne alors ” la liberté que chacun a d’user de sa propre puissance, comme il le veut lui-même pour la préservation de sa propre nature, autrement dit de sa propre vie8 “. En quoi est-ce là un droit naturel et pourquoi est-ce le seul ? Parce qu’il précède toute institution politique : il est dans la nature de l’homme, comme dans toute nature, de ” persévérer dans son être “, en l’occurrence de vouloir vivre, ou plutôt survivre, dans le contexte conflictuel d’une vie sociale non encore régie par la loi. Dans une anthropologie de ce style, la sécurité ne figure donc pas un droit parmi d’autres, encore moins initialement un droit politique, elle est le droit naturel de l’homme parce qu’elle est une exigence ancrée dans sa nature d’être vivant.
On perçoit alors le bénéfice d’une telle naturalisation du désir de sécurité : il est le seul fait qui désigne aussi un droit. Avec la sécurité, il est question de bien autre chose que de l’ordre légal abstrait, il est question de désirs, de besoins et de passions. Partant, le concept de sécurité se situe à l’articulation de l’anthropologie, de la politique et du juridique ce pourquoi il présente l’avantage d’exprimer le fondamental (les penseurs de la sécurité humaine diront ” le noyau vital de la vie humaine “) mieux que ne pourront le faire les notions de liberté ou d’égalité. Il ne reste plus, alors, qu’à préciser le sens de cette articulation entre la nature (humaine) et le lien politique : c’est ce que fait Hobbes en montrant que le droit naturel à la sécurité se trouve contredit par la vie en commun sans État qui se caractérise par une ” guerre de tout contre tous “. Or, il est contradictoire de chercher à sauver sa vie tout en la remettant constamment en question. Il faut donc consentir, non à abandonner son droit naturel, mais à renoncer à son exercice au profit d’un seul (le souverain) qui devient à cet instant le garant unique de la sécurité collective et concentre en lui l’exclusivité de l’exercice légitime de la force. Quel est l’acte politique initial dans une telle perspective ? Rien d’autre qu’un transfert de crainte. Le contrat substitue à la crainte de tous la crainte d’un seul (l’État), ce par quoi l’individu transforme le sentiment d’une incertitude généralisée en celui d’une peur raisonnable puisqu’elle n’a plus qu’un objet dont la puissance est telle qu’elle rend inutile le recours à l’arbitraire9. Le point central est que l’institution politique se laisse comprendre comme un processus de sécurisation qui n’est paradoxal qu’en apparence puisqu’en renonçant à l’usage de certains de ses droits l’individu garantit le premier d’entre eux, celui sans lequel les autres seraient de toutes les façons inactualisables.
Le désir de sécurité est par conséquent le seul élément naturel qui passe dans l’État artificiel où il trouve les moyens de se satisfaire. C’est la raison pour laquelle il tend à exprimer l’intégralité de ce qui peut être légitimement attendu de l’institution politique et se confond avec l’expression des droits fondamentaux. Derrière tout acte juridique, et derrière le premier d’entre eux (le contrat par lequel les hommes s’associent), il y aurait donc quelque chose comme un désir de ne pas mourir qui confère au politique une intensité dramatique sans égal. Ce trait est présent chez Rousseau non moins que chez Hobbes puisque la nécessité du contrat social n’est rien d’autre qu’une nécessité vitale : ” Le genre humain périrait s’il ne changeait sa manière d’être “, c’est-à-dire s’il ne trouvait les moyens institutionnels de surmonter les obstacles à sa propre conservation10. Sur ce point, il faut donc relativiser l’opposition classique entre les philosophies politiques qui accordent un primat à la sécurité (et dont Hobbes serait le précurseur) et celles qui se fondent sur la liberté. Il y a, en effet, un avantage considérable à conditionner le contrat au désir de sécurité qui explique que des penseurs républicains ou libéraux y aient eu recours : cela permet d’inscrire le lien politique à l’ombre de la mort. Cette dramatisation du lien social et de la nécessité de l’institution politique corrobore bien le geste subversif partagé par tous les penseurs du contrat : le vide de la loi équivaut à la possibilité constante de la mort violente11.
Nous sommes désormais en meilleure posture pour comprendre en quoi la sécurité peut être considérée comme le ” premier des droits “, cette primauté devant être entendue non seulement sur un plan descriptif (sans sécurité, il n’y a ni liberté ni égalité), mais aussi d’un point de vue normatif (les droits se laissent tous ramener à la sécurité). La sécurité est efficiente dans la mesure où elle permet de reformuler les droits fondamentaux de l’individu : la liberté est (sous-entendu ” n’est rien d’autre que “) l’assurance d’une coexistence pacifiée, la propriété, le droit d’user de ce que l’on possède sans craindre les empiétements d’autrui, l’égalité elle-même trouve sa première expression dans une parfaite égalité face à la peur de la mort violente et le désir universel d’en sortir.
Mais il y a un revers à cette promotion de la sécurité en position d’origine. On a vu à quel point, de Hobbes aux partisans du paradigme de la ” sécurité humaine “, il est décisif de considérer le désir de sécurité comme une réalité naturelle pour pouvoir faire de la sécurité elle-même la finalité de toute politique légitime. Implicitement ou non, ces perspectives adoptent une position réaliste sur la sécurité qui est la condition pour conserver à ce concept sa richesse descriptive et donc sa supériorité sur l’énoncé de droits plus abstraits. La menace à laquelle est censée répondre l’institution politique est donc perçue comme une menace objective à laquelle il convient d’apporter une réponse en termes de calcul : le but de l’institution est de produire de la certitude. Or ce point de vue réaliste méconnaît une dimension pourtant centrale de l’insécurité, à savoir qu’elle est un fait social au moins autant que naturel. Il serait par exemple illusoire de croire que les agences de sécurité, dont on connaît l’influence de plus en plus grande dans le monde de l’après-11 septembre, ne font que répondre à une insécurité objective. Comme l’a montré Didier Bigo, ces agences (gouvernementales ou privées) ne se contentent pas d’évaluer l’insécurité, elles ” participent de la construction sociale de cette dernière12 “. S’il n’y a pas nécessairement lieu d’en déduire que les discours institutionnels sur la sécurité produisent de l’insécurité, il est néanmoins incontestable qu’ils produisent de la légitimité dans les politiques sécuritaires. Pour définir l’insécurité, il ne faut donc pas se contenter de discerner des menaces objectives, il faut aussi s’interroger sur ceux à qui l’on délègue ” le pouvoir symbolique de dire ce qui nous fait peur13 “.
Dès lors qu’il est inscrit dans la nature, le ” droit à la sécurité ” relève du même type d’abstraction que celle que l’on a coutume d’appliquer aux droits de l’homme. Il ne sert à rien de se référer à la ” survie ” comme à un point d’ancrage réaliste puisque même la peur de la mort violente est médiatisée par des représentations sociales et culturelles. Or c’est sur cette peur particulière que se fonde la logique d’annexion par laquelle la sécurité s’empare de tous les autres droits pour apparaître comme leur condition sine qua non : il semble évident qu’il ne sert à rien d’être libre si l’on est mort. À cela, et sans trop céder à l’idéalisme, on pourrait rétorquer qu’il ne sert pas à grand-chose d’être en vie si l’on n’est pas libre… C’est d’une certaine manière ce que disait déjà Kant lorsque, dans un texte consacré pourtant à la promotion de la paix perpétuelle, c’est-à-dire à une forme internationalisée de sécurité, il s’en prenait à une paix qui s’établirait sur le ” cimetière de la liberté14 “. Or le ” cimetière de la liberté ” n’est rien d’autre que celui du droit qui semblait pourtant si aisément soluble dans l’idéal sécuritaire. Il y a donc dans la logique du droit quelque chose qui échappe à l’impératif de sécurité et ce quelque chose pourrait bien être de l’ordre du risque inhérent à l’exercice d’une capacité. Dans le contexte des débats américains consécutifs à l’adoption du Patriot act, Ronald Dworkin rappelait que ” les droits seraient sans valeur – et l’idée même de droit incompréhensible – si le respect des droits n’impliquait pas un certain risque15 “. Il ne faut pas seulement renoncer à l’idéal d’une sécurité totale en raison de son caractère utopique, mais parce qu’il implique une restriction potentiellement illimitée des droits. Rousseau le notait déjà : on vit ” tranquille ” avant tout ” dans les cachots “. Il y a une autre manière de le dire : si la finalité du politique s’épuisait dans la garantie des sécurités, alors une politique sécuritaire réussie serait aussi la mort de la politique et l’abandon des droits au profit d’une quiétude qu’il n’est pas abusif de juger incompatible avec la démocratie.
La sécurité, premier des ” biens ” ?
Il y a une manière différente d’aborder la sécurité qui, au-delà de la sécurisation des corps et des parcours, restitue à la politique une forme d’efficience. Elle consiste à définir la sécurité, non comme un droit, mais comme un bien : en faire l’horizon de ce qui est désirable plutôt que celui de ce qui est exigible.
On trouve une tentative de ce genre dans l’analyse d’Amartya Sen. Comme il avait distingué la ” sécurité humaine ” des droits de l’homme traditionnels, l’auteur distingue la ” sécurité humaine ” du ” développement humain ” en lequel on a pu, un temps, voir un objectif raisonnable de la politique de l’ONU. La ligne argumentative demeure la même : il s’agit de montrer que la sécurité humaine est mieux à même d’exprimer les nouvelles exigences de l’action de la communauté internationale. En ce sens, elle désigne un bien plus désirable que le développement car ce dernier est un concept ” beaucoup trop optimiste pour prendre en compte convenablement les batailles menées à l’arrière, pour consolider ce qui doit être sauvegardé16 “. Trop lié à une conception quantitative du progrès, le ” développement humain “, autrefois promu par l’économiste Mahbud ul Haq sous l’égide du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud), est moins accordé que le concept de sécurité à la vulnérabilité des individus et de la planète elle-même, une vulnérabilité précisément accrue du fait de l’insistance exclusive sur la croissance économique.
Contrairement aux visions expansionnistes et progressistes d’hier, l’accent mis sur la sécurité prend donc en compte la situation de ceux qu’il est convenu d’appeler les ” exclus de la mondialisation ” et dont la pauvreté s’est accrue en même temps que la masse globale des richesses. Dans ce contexte, la croissance ne peut plus servir d’idéal politique et économique tant il est vrai que ” l’insécurité est un problème différent – à certains égards plus grave – que l’expansion17 “. Dès lors que le développement n’est plus synonyme de progrès social partagé, la sécurité humaine devient le maître étalon d’une politique avant tout soucieuse des conditions minimales de la vie quotidienne des personnes.
Plutôt que le premier des droits, la sécurité serait le premier des biens. La différence pourrait sembler ténue, elle est pourtant considérable puisque la sécurité perd le caractère absolu que lui conférait son inscription, sous la forme d’un désir, dans la nature humaine. Du statut d’origine naturelle et de finalité politique, la sécurité passe à celui de réalisation sociale. Elle devient finalement le produit d’une acquisition politique puisqu’un ” bien ” est précisément ce qui n’est pas donné par nature, mais ne devient effectif que par la médiation de l’action publique.
En un sens, la définition de la sécurité comme un ” bien ” s’avère plus compatible avec le libéralisme politique que son identification à un droit puisqu’elle individualise la relation entre la sécurité et les personnes. Un ” bien ” est la propriété d’un individu qui est donc autorisé à l’aliéner sous certaines conditions. Cette aliénation, par laquelle on renonce à une part de sa sécurité, peut par exemple se justifier par l’usage de la liberté (celle d’entreprendre une initiative quelconque) qui s’identifie à une prise de risque18. D’autre part, on a vu à quel point la définition de la sécurité comme premier des droits de l’homme contribuait à dramatiser le lien entre sécurité et politique en l’adossant à une problématique de la survie. Or définir la sécurité comme un ” bien ” contribue à dédramatiser ce lien en l’envisageant à part d’une anthropologie accordée au primat de la peur de la mort violente. Plutôt que de sécuriser l’existence entière au risque de sacrifier l’exercice des droits, il s’agit de répondre à ce que Norbert Elias appelait les ” petites peurs19 ” qui, précisément, ne concernent pas tant les personnes que les biens et ne nécessitent donc pas l’usage disproportionné de la force publique.
Considérer la sécurité comme un bien, c’est, enfin, l’intégrer à une problématique de la mesure alors même que son inscription au rang des droits fondamentaux excluait toute tentative de quantification de la sécurité souhaitable et de l’insécurité acceptable. Historiquement, cette thématique apparaît au XVIIIe siècle (qui fut peut-être d’abord le siècle des économistes), c’est-à-dire à un moment où, comme l’a montré Michel Foucault, on renonce à envisager l’insécurité et la guerre comme un ” malheur inévitable ” lié à une transcendance hostile, à la mauvaise fortune ou encore à la nature méchante de l’homme 20. L’insécurité n’est rien d’autre qu’un problème social qui doit être évalué rationnellement par un calcul des ” seuils de tolérance ” qu’une société donnée est capable de supporter. On parlera donc d’un ” coût de la délinquance ” qui ne réfère plus le crime à une faute du criminel mais l’envisage selon le déséquilibre qu’il instaure dans la société. C’est aussi l’apparition du concept de ” police ” qui ne renvoie plus le problème de la sécurité au moment fondateur du contrat mais l’envisage à partir de l’exécutif dans sa tâche quotidienne. La dédramatisation du problème de l’insécurité est pleinement réalisée avec ce thème de la police : ” Dans l’exercice de la police, écrit Montesquieu, c’est plutôt le magistrat qui punit que la loi […]. Les matières de police sont des choses de chaque instant, et où il ne s’agit ordinairement que de peu […]. Elle s’occupe perpétuellement de détails21. ” La police est un pouvoir qui administre plus qu’il ne légifère et son domaine d’application est celui des petites choses, à mille lieux de la dévolution de la sécurité au pouvoir souverain.
La force de ce type de problématisation de la sécurité tient dans son actualité. Elle s’avère en effet parfaitement accordée au sentiment éminemment contemporain de la vulnérabilité de la vie humaine et à la nécessité politique d’y apporter un remède. Il ne s’agit plus tant de transformer le monde que de travailler à sa perpétuation étant entendu que ce qui jusque-là était considéré comme le préalable de toute action (la terre elle-même et les conditions biologiques de la vie) apparaît désormais comme un bien qu’il faut préserver. Rien n’illustre mieux cette articulation que l’importance accordée aujourd’hui au ” principe de précaution “, un principe qui présuppose que la sécurité est un bien fragile et que cette fragilité crée une responsabilité pour tous les gouvernants22. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, ce principe ne sacrifie pas tout à la sécurité, mais il fait entrer cette dernière dans un raisonnement comparatiste : la sécurité n’est pas un incommensurable de base (ce que supposait sa définition comme premier des droits), mais un bien mesurable dont on peut penser qu’il doit parfois être risqué sans toutefois être jamais sacrifié à un avenir incertain.
Destituée de son rang de condition restrictive à l’octroi d’une capacité juridique, relativisée dans son statut d’origine et de finalité du lien politique et finalement mesurée selon les attentes qu’elle permet de satisfaire, la sécurité comme ” bien ” constitue indiscutablement un progrès démocratique par rapport à sa définition comme premier des droits. Mais il y a à cela une condition qui est de ne pas passer subrepticement de la promotion de la sécurité au rang de bien à protéger à celui de ” souverain bien ” exclusif de tous les autres. Car, dans ce cas, la logique annexionniste que nous avons déjà vue à l’oeuvre à propos des droits risque fort de se rejouer au niveau des biens politiquement désirables. Le principe de précaution est lui-même susceptible d’un usage absolu qui le fait sortir hors des limites de la logique conséquentialiste où il a tout d’abord trouvé son élaboration. Il suffit pour cela de le relier à l’impératif énoncé par Hans Jonas dans le Principe responsabilité : ” Agis de façon que les effets de ton action ne soient pas destructeurs pour la possibilité future d’une vie authentiquement humaine sur terre. ” Une fois de plus, c’est la référence à la survie qui contribue le plus efficacement à restituer à la sécurité toute sa densité dramatique. Plus exactement, elle confère à l’impératif sécuritaire une forme indiscutable d’évidence : comment ne pas adhérer à la nécessité de restreindre son action à la préservation des conditions d’une ” vie authentiquement humaine ” ? Certes les usages maximalistes du principe de précaution ne sont plus le fait du souverain garant de l’ordre au détriment des droits, mais celui des experts spécialisés dans le calcul des risques. Il n’est pas sûr que l’on gagne quoi que ce soit à ce transfert d’attribution.
Un idéal minimaliste
Qu’on la considère comme un ” droit ” ou comme un ” bien “, la sécurité tend à s’accaparer la totalité de l’espace politique, jusqu’à désigner la finalité de toute action collective. On a déjà mentionné certaines des raisons qui expliquent cette capacité de la sécurité à exprimer les attentes politiques dans des termes réalistes : c’est avant tout le caractère indéterminé du concept de sécurité qui lui permet de fonctionner métaphoriquement comme l’équivalent de tout ce qui est désirable. Mais il n’en reste pas moins que cette promotion éthique de la sécurité se confond avec l’avènement de la modernité, comme si elle était intrinsèquement liée à une forme de désenchantement du politique. L’exigence sécuritaire, c’est sa force, est par nature désabusée, renvoyant en creux aux désillusions par rapport aux anciennes eschatologies politiques et réclamant pour elle-même le bénéfice du réalisme. Amartya Sen le reconnaît à sa façon en précisant que la sécurité humaine esquisse une ” perspective plus prudente ” que celle dessinée par le développement ou par la politique des droits de l’homme23. Encore une fois, les théoriciens de la sécurité humaine s’inscrivent dans le sillage des penseurs modernes de la sécurité : Hobbes voyait déjà dans celle-ci un substitut avantageux aux théories antiques (et irréalistes) du ” souverain bien “. Pour lui aussi, la sécurité n’est pas seulement le premier des droits, mais encore le premier des biens puisque l’État, en plus des nécessités de la vie, doit garantir ses ” commodités24 “, version hédoniste, individualiste et euphémisée du ” souverain bien “. À la question, qu’il jugeait parfaitement oiseuse, de savoir quel est le bien suprême, Locke répondra qu’il est tout aussi judicieux de se demander si l’homme préfère les pommes ou les prunes. Et il n’y a nul hasard dans le fait que Locke soit l’inventeur du ” libéralisme de l’inquiétude ” dont se réclame aujourd’hui Michael Walzer : si aucun désir n’est plus en mesure de désigner l’excellence humaine, il reste l’inquiétude comme rapport originaire de la conscience au monde et, en conséquence, la protection comme modèle d’intervention politique.
La sécurité a donc tous les traits d’un idéal post festum, le produit d’une ironie à l’encontre des prétentions du politique à irradier l’expérience humaine. On a souvent dit que la menace qui pèse sur la politique moderne est celle du scepticisme. Or il existe au moins une passion qui se porte à la hauteur du défi lancé par le scepticisme et cette passion est la peur. La peur a cette particularité de produire de la certitude relativement à ce qu’il faut faire sans faire appel à un fondement transcendant des valeurs ou à un hypothétique ” règne des fins “. Parce qu’elle est porteuse d’un savoir en même temps que d’un sentiment d’urgence, la peur justifie l’évidence avec laquelle on tient la sécurité pour un objectif à la fois raisonnable, efficace et suffisant. Mais l’adoption d’un tel objectif fixe surtout des limites drastiques à la politique qui finit par ne plus rien désigner d’autre que la mise en danger de ce qui nous menace. Or cette mise en danger produit inévitablement de l’insécurité, comme si la politique sécuritaire était condamnée à entretenir l’inquiétude qui la légitime.
L’insécurité, bien sûr, ne peut pas être réduite à un simple sentiment subjectif. Le serait-elle, que cela ne justifierait d’ailleurs aucunement son occultation au profit d’objectifs politiques jugés plus nobles. Le problème est plutôt de savoir de quel type de sentiment il s’agit et si les politiques qui prennent la sécurité comme emblème ne reposent pas sur le transfert à la sphère publique d’expériences qui sont avant tout psychologiques et morales. Le danger vient de ce que les politiques sécuritaires s’adressent à la part la plus désocialisée de l’individu, celle qui, tout à la fois, a peur des autres et se défie des institutions25. Il n’est pas sûr qu’en dépit de tout ce qui distingue ses promoteurs des partisans du ” sécuritaire “, l’objectif de ” sécurité humaine ” change ici fondamentalement la donne si, de fait, ” la sécurité humaine commence par l’idée que l’individu est le principal artisan de son bien-être ” et si cette notion ” s’appuie sur l’effort de chacun et sur ce qu’il fait lui-même pour améliorer son sort26 “.
Est-ce à dire que la sécurité n’est ni un droit ni un bien ? Peut-on renoncer si aisément à identifier la politique avec la garantie d’une vie sûre ? Peut-être faut-il envisager les choses par un autre biais et reconnaître que la sécurité est la condition absolument nécessaire mais absolument non suffisante du lien politique. Un présupposé, donc, et non une finalité. Dans le texte cité en exergue de cet article, Hegel rappelle que, si le sentiment d’insécurité n’est certainement pas le vecteur unique du lien social, le sentiment de sécurité (celui éprouvé par le promeneur dans la nuit) désigne en revanche une expérience politique puisqu’il est institutionnel de part en part. Cela ne signifie pas que le théoricien par excellence de l’État rationnel ait pensé un seul instant que la sécurité constitue l’objectif ultime de la vie éthique sous des institutions. Car il importe au plus haut point que le sentiment de sécurité apparaisse naturel et qu’il prenne ainsi la forme d’une ” habitude “, une ” seconde nature ” qui n’est rien d’autre que l’institution politique vécue. Il n’y a que dans des situations d’exception (la guerre ou le terrorisme) que les hommes prennent conscience du fait que rien n’est naturel dans la sécurité et que tout y est déjà politique. Il est de bon ton aujourd’hui (chez les défenseurs de la politique sécuritaire comme chez certains de ses critiques) de faire de ces situations d’exception la justification ultime de la norme. Mais si l’on maintient que le sens de l’institution s’énonce dans les conditions d’une vie normale non moins que dans les soubresauts de la guerre civile, il faut maintenir aussi que la sécurité doit être présupposée et presque aussitôt oubliée, exactement comme le promeneur ” oublie ” de rendre grâce à l’État du bon déroulé de sa promenade.
Il sera toujours délicat de faire de la marche anodine dans une nuit peu éclairée une expérience politique aussi intense que celle de la guerre. De la même manière, le désir de sécurité gardera sur l’exigence de justice l’avantage inestimable de l’urgence. Qui pourra nier que, pour jeter sur l’expérience le ” voile d’ignorance ” cher à John Rawls ou pour se préoccuper des conditions pragmatiques et transcendantales d’une discussion bien menée à la Habermas, il faille déjà ne pas craindre pour sa vie ? De là à conclure que la lutte pour les droits est une préoccupation bourgeoise et bohème, il n’y a qu’un pas que l’ironie sécuritaire, assurée par le spectacle peu reluisant d’un monde désenchanté, n’hésite pas à franchir. Mais, pour en rester au registre de l’élémentaire, il n’est peut-être pas inutile de rappeler que la sécurité est le préalable de la démocratie, pas son horizon.
Une première version de ce texte a été prononcée oralement le 5 décembre 2005, lors du séminaire de philosophie du droit de l’Institut des hautes études sur la justice organisé par Antoine Garapon et Joël Hubrecht.
La Sécurité humaine maintenant. Rapport de la Commission sur la sécurité humaine, Paris, Presses de Sciences-Po, 2003, 14. Ce rapport contient de nombreuses informations factuelles sur les formes contemporaines de l'insécurité et de la violence dans le monde. Elles sont exploitées par Jean-Pierre Peyroulou ici-même. Pour ma part, je m'en tiendrai à la discussion du concept de " sécurité humaine " et de ses présupposés tels qu'ils sont présentés en début d'ouvrage.
Le concept de " sécurité humaine " est indissociable de l'expérience coloniale où " l'ennemi venait de l'intérieur de l'État, et où les conditions de vie quotidienne plaçaient l'individu dans une insécurité chronique " (la Sécurité humaine maintenant..., op. cit., p. 15). On en dirait autant du totalitarisme où, suivant une logique parfaitement anti-hobbesienne, l'État arme sa souveraineté contre une partie de sa propre population.
La Sécurité humaine maintenant..., op. cit. , p. 17-18.
Amartya Sen, " Le développement, les droits et la sécurité humaine ", la Sécurité humaine maintenant..., op. cit. , p. 28.
Zygmunt Bauman, " Pouvoir et insécurité. Une généalogie de la ³peur officielle² ", Esprit, novembre 2003.
Voir A. Sen, " Le développement, les droits et la sécurité humaine ", art. cité, p. 28.
L'exigence d'origine syndicale de " sécurisation des parcours professionnels " exprime bien cette capacité du concept de sécurité à servir de matrice à une politique sociale. D'un point de vue juridique, aussi, la frontière est poreuse entre sécurité et droit social comme l'atteste la décision du Conseil constitutionnel qui admet que l'impératif de la protection de la santé publique est un principe de valeur constitutionnelle, ce qui justifie la limitation d'autres principes comme le droit à la propriété ou la liberté d'entreprendre (décision du 22 janvier 1990).
Hobbes, Léviathan, chap. XIV.
Pour une reconstitution critique des usages politiques de la peur depuis Hobbes, on peut se reporter à l'ouvrage récent de Corey Robin, la Peur. Histoire d'une idée politique (Paris, Armand Colin, 2006, en particulier p. 45-67).
Voir Rousseau, Du contrat social, I, 6.
Toujours chez Rousseau, ce lien entre sécurité et constitution de l'État républicain possède des conséquences juridiques immenses. Il suffit d'en citer une seule qui est l'identification du criminel à l'ennemi. Si, en effet, la politique est toujours question de survie, l'atteinte à la sécurité de l'État est assimilable à un acte de guerre. D'où cette sentence de Rousseau : " Tout malfaiteur attaquant le droit social devient par ses forfaits rebelle et traître à la patrie, il cesse d'en être membre en violant ses lois, et même il lui fait la guerre. Alors la conservation de l'État est incompatible avec la sienne, il faut que l'un des deux périsse, et quand on fait mourir le coupable, c'est moins comme citoyen que comme ennemi " (Du contrat social, II, 5).
Didier Bigo, " Gérer les transhumances. La surveillance à distance dans le champ transnational de la sécurité ", dans Penser avec Michel Foucault, Paris, Karthala, p. 129-160.
Ibid.
Kant, premier supplément à Vers la paix perpétuelle.
Ronald Dworkin, "Terror and the Attack on Civil Liberties", New York Review of Books, vol. 50, no. 17, 6 novembre 2003. Il va sans dire que ni Amartya Sen ni les autres promoteurs du concept de " sécurité humaine ", ne militent en faveur de la substitution de l'impératif de sécurité aux droits de l'homme. Encore une fois, il ne s'agit ici que de mettre à l'épreuve la prétention du concept de sécurité à mettre en forme des attentes politiques légitimes.
A. Sen, " Le développement, les droits et la sécurité humaine ", art. cité, p. 26.
A. Sen, " Le développement, les droits et la sécurité humaine ", art. cité, p. 27.
Cette proximité entre la sécurité comme bien et le libéralisme a été perçue, pour la dénoncer, par Marx pour qui " la sûreté est le concept social suprême de la société bourgeoise " (la Question juive). Il s'agit avant tout de la sûreté de la propriété privée qui doit être garantie par l'État mais peut devenir l'objet d'une transaction à l'initiative du propriétaire.
Voir Norbert Elias, la Dynamique de l'Occident, Paris, Calmann-Lévy, 1975, p. 203-204.
Voir Michel Foucault, Sécurité, territoire, population, Paris, Gallimard/Le Seuil, 2004, p. 33.
Montesquieu, l'Esprit des lois, XXVI, chap. 24. Pour une étude historique de ce concept, voir Paolo Napoli, Naissance de la police moderne. Pouvoir, normes, société, Paris, La Découverte, 2003.
Ce principe veut que, lorsqu'il y a une " présomption raisonnable d'un risque déraisonnable ", l'absence de certitude scientifique quant à la réalité de ce risque ne doit pas justifier l'inaction. Il ne s'agit pas tant de s'abstenir dans le doute, mais d'évaluer le risque et de le comparer au bien que l'on en attend. Voir M. Hunyadi, " Pourquoi avons-nous besoin du raisonnement de précaution ? ", Esprit, août-septembre 2003.
A. Sen, " Le développement, les droits et la sécurité humaine ", art. cité, p. 27.
Hobbes, le Citoyen, chap. XIII, 4-6. La seule loi à laquelle le Souverain doit se plier est celle du " salut du peuple " qui n'implique pas seulement la " conservation de la vie ", mais d'une " vie autant qu'il se peut heureuse ". Or une " vie heureuse " est d'abord une vie " sûre " où les sujets, en plus de vivre en paix, " s'enrichissent autant que le permet la sûreté publique " (ibid.). On a là encore un exemple de la capacité de la sécurité à traduire et, dans le même mouvement, à limiter les droits individuels.
Sur la logique de l'État " libéral-autoritaire ", je me permets de renvoyer à Michaël Foessel, " Légitimations de l'État. De l'affaiblissement de l'autorité à la restauration de la puissance " (Esprit, mars-avril 2005).
La Sécurité humaine maintenant, op. cit. , p. 18.
Published 12 September 2006
Original in French
First published by Esprit 8-9/2006
Contributed by Esprit © Michaël Foessel/Esprit Eurozine
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