Bien se nourrir et préserver la planète

En un demi-siècle, nos modes de vie et nos modes alimentaires ont été nos modes de vie et nos modes alimentaires ont été totalement bouleversés, au point d’éloigner fortement l’homme de son environnement naturel. L’industrialisation a distendu les liens entre les consommateurs et les paysans, alors que longtemps les habitudes nutritionnelles furent calquées sur l’offre régionale. Beaucoup s’interrogent sur la dégradation du goût des aliments, sur la qualité des fruits et légumes ou s’inquiètent de la présence d’organismes génétiquement modifiés (OGM) ou de poisons dans leur assiette. Ces appréhensions sont trop vagues pour susciter une remise en cause du système alimentaire. Le monde aseptisé et si bien approvisionné des grandes et moyennes surfaces alimentaires offre un univers somme toute rassurant, qui permet difficilement au citoyen de se mobiliser pour la question alimentaire. Où va notre alimentation ?

Dénoncer notre système d’alimentation

À la différence de la question écologique, le public est donc peu sensibilisé à l’urgence de s’engager résolument vers un système d’alimentation plus durable. Inondé d’informations partielles, influencé par un marketing alimentaire puissant et confronté à l’abondance des produits industriels dans les supermarchés qu’il fréquente, le citoyen a une perception très vague des modes alimentaires les plus sûrs qu’il conviendrait d’adopter pour la santé de l’homme et de la planète.

A still from the film “Food Inc.” (2008). Source: IMDb.. Source:IMDb.

L’alimentation humaine n’a pas bénéficié d’une attention politique significative. La voix des nutritionnistes est restée inaudible ou totalement brouillée par des discours réducteurs ou contradictoires. Le “nutritionnisme” ambiant, centré sur la couverture de besoins nutritionnels, sert d’argument de vente pour le développement d’aliments industrialisés, sans que les consommateurs puissent en tirer le moindre éclairage sur les comportements alimentaires les plus sûrs à adopter.

Nous restons enfermés dans un système alimentaire caractérisé par sa richesse en calories animales, en calories vides (sucres et graisses ajoutés) et en nourritures industrielles. Ce système de type occidental tend à s’imposer partout dans le monde alors qu’il est loin d’avoir les qualités nécessaires pour en faire un mode alimentaire universel, bon pour la santé de l’homme et de la planète. De plus, en consacrant l’essentiel des productions agricoles aux productions animales, le système occidental n’est ni écologique ni efficace pour bien nourrir les hommes. Pourtant, aucun pouvoir politique n’a affirmé la volonté d’en sortir.

Longtemps, pour une majorité de personnes, la question qui se posait en matière d’alimentation était limitée à : “Que dois-je manger pour bien me porter ?” Le corps médical ou les médias donnaient souvent des réponses divergentes et le consommateur sceptique en pro tait pour se nourrir comme il voulait ou comme il pouvait. Cependant, à l’heure du réchauffement climatique, l’acte alimentaire prend une autre dimension : il dépasse la sphère privée et la simple satisfaction de nos besoins nutritionnels. On sait main- tenant depuis une dizaine d’années que la chaîne alimentaire dans son ensemble – et en particulier le secteur de l’agriculture et de l’élevage – est responsable d’environ 20 % des émissions de gaz à effet de serre, sans parler des autres atteintes à l’environnement. Le secteur alimentaire devrait être mis à contribution pour limiter les émissions de gaz à effet de serre et le consommateur pourrait être ainsi invité à changer ses habitudes. La question initiale s’est donc élargie à : “Que dois-je manger pour ma santé et celle de la planète ?”

Il est temps de dénoncer les dérives du système alimentaire actuel, ses impacts écologiques négatifs, sa responsabilité dans l’épidémie mondiale d’obésité, l’importance du gâchis de nourriture qu’il génère, et de se poser la question des voies d’entrée dans une ère alimentaire entièrement nouvelle, pour résoudre dans le même temps bien des problèmes de santé, de mode de vie et de gestion des ressources naturelles. Nous ne sommes pas dans une impasse ; nous pouvons satisfaire nos besoins nutritionnels et le plaisir de manger en adoptant un mode alimentaire qui permette à tous les humains d’avoir suffisamment de nourriture, qui ménage l’avenir de nos paysans et qui préserve les ressources de notre planète.

Promouvoir un mode alimentaire écovégétarien

L’élévation du niveau de vie des populations s’est jusqu’à présent toujours traduite par une augmentation de la consommation des produits animaux. Dans les pays occidentaux, celle-ci est main- tenant devenue très élevée, si bien que près d’un tiers des calories ingérées par les consommateurs français est d’origine animale. Tout cela pourrait sembler anecdotique si la part respective des produits animaux et végétaux dans l’alimentation humaine ne revêtait à l’avenir une importance capitale pour assurer la sécurité alimentaire, pour améliorer la gestion de la santé, et pour diminuer les empreintes écologiques de l’agriculture et de l’élevage.

Les produits végétaux, base de l’alimentation humaine

La nourriture végétale est la mieux adaptée à la couverture de nos besoins nutritionnels, pour plusieurs raisons. Seuls les produits végétaux, surtout ceux qui sont riches en amidon, permettent de satisfaire nos besoins très élevés en glucose, dont le cerveau fait un usage majeur. Une consommation suffisante de glucides lents et complexes dans des produits naturels ou bien transformés nous permet ainsi d’assurer une régulation presque parfaite de la glycémie. Les dégâts des régimes hyperprotéinés sont bien connus et la possibilité de faire du glucose à partir des acides aminés des protéines animales, même si elle existe chez l’homme, est plutôt la caractéristique des espèces carnivores strictes. En plus de son rôle indispensable dans la fourniture des glucides, une alimentation largement végétarienne est d’une très grande efficacité pour la couverture des besoins en protéines et en acides gras essentiels. En réservant une si grande place aux produits animaux, nous mangeons trop de protéines (90 grammes par jour en moyenne, alors que 50 à 60 grammes suffisent). La question d’une moindre qualité biologique des protéines végétales ne se pose même pas si la diversification alimentaire est suffisante et n’est pertinente que pour des régimes totalement monotones à base de riz, de maïs ou de mil.

Il ne s’agit pas d’opposer produits animaux et végétaux, par nature complémentaires, mais de prendre conscience à quel point nous avons un besoin très modéré de calories d’origine animale pour la gestion de notre santé comme pour celle de la planète. La nourriture végétale comporte aussi des vertus longtemps sous-estimées et qui paraissent maintenant essentielles pour l’entretien de notre microbiote intestinal par les fibres alimentaires ou pour la protection de l’organisme par le monde insoupçonné des micronutriments protecteurs dont les fruits et légumes sont particulièrement riches. La santé pourrait être améliorée en réduisant de moitié la consommation actuelle de calories d’origine animale, mais ce ne serait pas le seul bénéfice.

Modérer la consommation de produits animaux

En réduisant le volume des productions animales, en cessant de consacrer la majorité des surfaces agricoles à la nourriture des animaux d’élevage, il serait possible d’accroître considérablement le potentiel nourricier de nos territoires. Selon une étude prospective récente, la diminution de 50 % des calories animales dans notre assiette libérerait environ la moitié des surfaces agricoles que l’on pourrait consacrer à d’autres cultures ou d’autres usages de production de biomasse, laissant en n la possibilité de se libérer du productivisme agricole actuel et de son cortège de nuisances. D’aucuns s’inquiètent de la capacité de l’agriculture biologique à nourrir la planète, en omettant de souligner que le principal gâchis de nourriture provient de la consommation trop élevée de produits animaux dans les pays riches ou émergents, si bien qu’une réduction modeste (de 20 à 25 %) de la part des calories animales dans nos régimes compenserait largement les baisses de rendement en agriculture bio.

En fin, le dernier bénéfice – et non des moindres – de cette maîtrise nouvelle de notre consommation de produits animaux serait de mettre n à tous les élevages industriels concentrationnaires où l’animal est totalement instrumentalisé. Promouvoir une consommation largement végétarienne n’est pas facile. En effet, le comportement végétarien semble réservé à ceux qui ne mangent pas de viande et consomment produits laitiers ou ufs sans grande logique, les animaux étant par ailleurs sacrifiés. Le terme “écovégétarien” pourrait donc caractériser une prise de conscience alimentaire nouvelle de la nécessité de ne pas abuser de la consommation de produits animaux. Des régimes de type écovégétariens comportant 10 à 15 % de calories animales sont en fait très répandus dans le monde, en Asie, en Afrique, dans une partie de l’Amérique, ou sur le pourtour méditerranéen.

Le rôle clé de la biodiversité végétale

Les modèles à promouvoir sont proches des nombreux régimes traditionnels, qui ont fait leurs preuves pour la gestion de la santé, à l’instar du régime méditerranéen. Cependant, ils doivent être basés avec plus de rigueur sur une nourriture largement végétale, une consommation modérée de produits animaux, une chaîne de transformation alimentaire bien maîtrisée et une relocalisation de la chaîne alimentaire. Dans ces systèmes durables, la maîtrise de la biodiversité végétale est une solution incontournable. Cette biodiversité en fruits et légumes, en produits céréaliers et légumes secs, en huiles vierges est en effet la clé d’une alimentation préventive réussie, mais elle est aussi précieuse pour la conduite de l’agro-écologie (ou de l’agriculture biologique), tout en étant très efficace pour assurer la sécurité alimentaire.

Indéniablement, notre santé est liée à celle de l’environnement. Pourtant, nous restons perdus dans les dédales des supermarchés.

Développer l’agro-écologie

Durant la seconde moitié du XXe siècle, l’agriculture a totalement été assujettie à l’industrie. Pour faire leur révolution verte et accroître la productivité de leurs fermes, les paysans se mirent à acheter des tracteurs, des outils, des semences sélectionnées et un ensemble d’intrants chimiques (engrais, herbicides, pesticides). Longtemps, ce productivisme agricole ne s’embarrassa guère de solidarité paysanne pour la répartition des terres, pas plus que de considérations écologiques. Avec une constance remarquable, le monde paysan a essayé de survivre en augmentant le volume de ses productions et au fur et à mesure que la productivité des agriculteurs a augmenté, leur revenu a été capté par le tissu industriel environnant.

Une course sans n s’est engagée, qui pourrait nous mener à la quasi-disparition du monde paysan, avec une chaîne alimentaire totalement industrialisée, utilisant des surfaces agricoles comme source d’activités économiques et accordant un rôle subalterne aux agriculteurs exécuteurs de tâches codifiées. En un demi-siècle, l’emprise des lobbies impliqués dans la production agricole ou dans la transformation et la distribution alimentaires aura donc réduit le rôle de l’agriculture à la production de matières premières. Elle a déjà eu des conséquences écologiques et sociétales majeures.

Après avoir totalement déstructuré et détruit le monde paysan, tout est à reconstruire pour redonner une place aux agriculteurs et développer une agro-écologie nouvelle. Il faut mettre un terme aux pratiques agronomiques anti-écologiques, réduire les pollutions, les émissions de gaz à effet de serre liées aux activités agricoles, limiter les atteintes à la biodiversité, combattre le non-respect du vivant en matière d’élevage. Réciproquement, s’appuyer sur les enseignements de l’écologie pour réussir l’agriculture, ou, mieux encore, donner à l’agriculture une mission de piégeage de carbone dans les sols et de lutte contre l’effet de serre.

Pourtant, ce n’est pas seulement l’affaire des agriculteurs, mais de la société dans son ensemble. Le système alimentaire occidental trop riche en calories animales et en nourritures industrielles repose sur une agriculture intensive et il ne sera possible de sortir de cette chaîne productiviste qu’en adoptant un système d’alimentation plus durable et en faisant évoluer nos comportements alimentaires.

La fausse alimentation

La chaîne industrielle produit beaucoup trop d’aliments et ce trop est vraiment l’ennemi du bien ; les flux d’aliments et de boissons qui transitent des supermarchés jusqu’à nos assiettes conduisent à des apports nutritionnels très déséquilibrés. L’exposition alimentaire des surfaces commerciales est particulièrement dangereuse pour ceux qui ne savent pas y résister.

L’ère des calories vides

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Le développement de ce type de nourriture a été possible en fragmentant les aliments pour disposer d’une très grande diversité d’ingrédients (sucres, matières grasses, dérivés du soja ou des produits laitiers, amidon…). Les nutritionnistes se sont penchés sur les conséquences métaboliques de ces aliments transformés par l’industrie, sans dénoncer qu’il s’agissait d’assemblages artificiels d’ingrédients énergétiques.

Les tentatives de prévention des risques de surcharge pondérale ont surtout porté sur la réduction de la valeur énergétique des aliments par l’ajustement de leurs teneurs en glucides ou en matières grasses. On a vu ainsi, en particulier aux États-Unis, des campagnes de prévention basées sur le fat-free ou le sugar-free, toutes aussi infructueuses, puisqu’en fin de compte, le même type de nourriture était proposé, avec seulement des proportions différentes de calories vides.

Lorsque les populations mangeaient des aliments naturels, crus, cuisinés ou ayant subi des transformations indispensables pour les rendre consommables, il n’existait quasiment pas de problème de surcharge pondérale. Maintenant, l’industrie s’est lancée dans une transformation effrénée et incontrôlée des aliments, avec des conséquences très graves pour une part toujours croissante de l’humanité.

Retourner vers de vrais aliments

Lorsqu’elles se sont développées au XXe siècle, les sciences de la nutrition ont d’abord décomposé les aliments en nutriments, minéraux et vitamines, et négligé l’importance les autres constituants non énergétiques (fibres et micronutriments), dont le rôle s’est avéré essentiel pour la santé. Selon cette approche approximative, rien ne s’opposait à un vaste bricolage de fractionnement alimentaire et de réassemblage des divers ingrédients. Cette possibilité donna des ailes au secteur agroalimentaire qui mit sur le marché un éventail anarchique de produits. Les pouvoirs publics ne fixèrent aucune contrainte à cette activité florissante. Les aliments et les boissons les plus nuls purent être proposés à la consommation, sans que les fabricants aient de justification à donner.

Certes, de nombreux excès de cette “malbouffe” ont été corrigés, dans les teneurs de sel, d’acides gras trans ou saturés, de sucres, mais le même mode de fonctionnement laxiste persiste dans l’élaboration d’une majorité d’aliments, pourvu que leur sécurité sanitaire soit assurée. Les industriels ont toujours trouvé avantageux d’utiliser des ingrédients raf nés très appauvris en micronutriments (produits céréaliers, huiles, sucres, protéines), plutôt que des produits moins purifiés et plus complexes, de limiter au maximum l’utilisation des matières premières naturelles plus coûteuses, de maîtriser la couleur et le goût par le recours facile aux colorants et aux arômes. On est ainsi entré dans l’ère du “nutrionnisme”, d’un marketing entièrement fondé sur des arguments réducteurs et ciblés sur certains facteurs nutritionnels (oméga 3, pré- et probiotiques, fibres, calcium, magnésium, etc.).

Une nouvelle offre alimentaire en produits transformés de composition assez artificielle, mais facile d’utilisation, a nui à la consommation d’aliments de base tels que les fruits et légumes, les légumes secs, divers féculents ou des produits céréaliers et animaux de qualité. Nous devons maintenant amorcer un grand retour vers ces aliments, à la base des cultures culinaires du monde, et qui nous ont longtemps permis d’éviter cette épidémie d’obésité si préoccupante.

Relocaliser la chaîne alimentaire

Pour sortir de l’ère des produits industriels mal préparés, en finir avec la malbouffe et réhabiliter la consommation sous diverses formes d’aliments de base plus complexes ou de produits de bonne valeur nutritionnelle, il faut repenser entièrement le fonctionnement de la chaîne alimentaire. Parmi les mesures à prendre pour donner plus de lisibilité à la chaîne alimentaire, il y a la nécessité de travailler sur des systèmes alimentaires territoriaux.

Un système alimentaire est la façon dont les hommes s’organisent dans l’espace et dans le temps pour obtenir et consommer leur nourriture. Longtemps, la dimension régionale a totalement été négligée, les géants de la distribution alimentaire préférant faire les achats les plus avantageux, même très lointains. Cette politique a parfois été désastreuse pour le tissu agricole environnant. Elle doit être remise en question pour organiser des circuits plus courts, lutter contre l’uniformisation de l’offre alimentaire, faire vivre les territoires. Les surfaces alimentaires de proximité devraient améliorer leur part d’approvisionnement en produits issus de bassins agricoles environnants.

La nutrition préventive

Dès qu’ils ont accès à une offre alimentaire industrielle, beaucoup trop de personnes modifient leurs comportements alimentaires en faveur de produits très énergétiques, faciles à consommer et munis d’étiquettes ou d’allégations flatteuses. Cette transition alimentaire provoque un bouleversement métabolique considérable chez des humains habitués depuis toujours à une nourriture plus rustique faite d’aliments naturels très complexes et souvent peu énergétiques. Les impacts négatifs sur la santé sont d’autant plus forts que la valeur nutritionnelle de beaucoup trop de produits industriels est dégradée par des technologies inappropriées. Les populations les plus exposées deviennent ainsi plus sensibles aux maladies dégénératives (maladies cardiovasculaires, inflammatoires, diabète, cancers, ostéoporose, etc.).

Si les défenseurs du système agro-industriel brandissent l’argument de l’allongement de l’espérance de vie, force est de constater que la longévité en bonne santé est plutôt médiocre. Le modèle d’alimentation durable que nous avons présenté permettrait de réduire les dépenses de santé induites par les déséquilibres de notre régime occidental. Pourtant, notre système de santé continue toujours à privilégier les recours médicamenteux plutôt que la nutrition préventive. Et chacun sait que l’on peut passer toute une vie sans bénéficier d’une consultation nutritionnelle et sans avoir la moindre recommandation concernant la bonne manière de s’alimenter pour préserver l’environnement.

Cependant, jusqu’à présent, les fondements de la nutrition préventive ont été très mal vulgarisés. Ils sont pourtant simples et peuvent être résumés sous forme de dix recommandations :

– adopter un mode d’alimentation durable pour la santé de l’homme et de la planète ;

– adopter un comportement écovégétarien, très diversifié en produits végétaux, avec une consommation limitée de produits animaux ;

– consommer des aliments de base plutôt que des produits industriels ;

– adopter un rythme de trois repas par jour et supprimer le grignotage ;

– commencer le plus souvent possible par un assortiment de crudités et consommer au moins une association de légumes et de féculents, avec ou sans une portion de viande ;

– consommer de préférence des fruits et légumes de saison, au moins deux fruits par jour et un à plusieurs légumes par repas ;

– apprendre d’abord à faire des recettes de cuisine simples à base de légumes, de produits céréaliers ou de féculents, avec ou sans viandes et autres produits animaux ;

– préférer les produits complets ou semi-complets aux produits très raffinés (le pain bis ou complet plutôt que blanc, les huiles vierges plutôt que purifiées…) ;

– consommer le moins possible de calories vides (sucres, matières grasses et amidon ajoutés) avec une vigilance particulière vis-à-vis des produits sucrés, des sodas. Limiter la consommation d’alcool au verre de vin à table ;

– prendre l’habitude de consommer des aliments très peu salés.

***

Notre chaîne alimentaire est loin de correspondre aux critères d’un développement durable pour ses impacts sociologiques et écologiques actuels et pour la maîtrise de l’alimentation de demain. Il n’est pas facile de remettre en cause un tel système dominant, puisque toute la société en dépend, sans alternative possible à très court terme. Pour amorcer un changement, il faut à la fois reconnaître la gravité des défauts du système actuel et les enjeux extraordinaires que l’on pourrait attendre de la mise en place d’une chaîne alimentaire entièrement nouvelle. Or l’articulation entre toutes les politiques agricoles, alimentaires, nutritionnelles n’a pas fait l’objet d’une réflexion approfondie. Nous souffrons en France, comme partout dans le monde, d’une absence de gouvernance alimentaire. À ce jeu-là, l’alimentation à la française risque de perdre toute originalité et surtout un temps précieux pour développer une chaîne alimentaire plus durable qui intègre les enjeux nutritionnels et écologiques.

Les interrogations sur l’alimentation ne sont pas un problème de riches : nous partageons tous la même planète et les systèmes alimentaires dominants se mondialisent, au fur et à mesure de l’essor des multinationales de la production et de la distribution alimentaires. Les erreurs nutritionnelles ou écologiques commises dans la chaîne alimentaire ont des conséquences planétaires insoupçonnables. La malbouffe industrielle, avec son abus de sucres, de matières grasses et d’autres sources de calories vides sévit partout dans le monde. Progressivement, la société a perdu la main sur la gestion de la chaîne alimentaire, confisquée par le secteur agroalimentaire au fonctionnement opaque. L’heureuse concordance entre les modes alimentaires bons pour l’homme et la planète, ainsi que la nécessité impérieuse de lutter contre le réchauffement climatique, vont, il faut l’espérer, inciter la société à rechercher des modes alimentaires plus durables.

Au sens strict, ce terme désigne des ingrédients énergétiques purifiés, ajoutés aux aliments, tels que des sucres, des matières grasses, de l'amidon. Cependant, on peut élargir ce concept à d'autres produits purifiés issus du fractionnement des aliments naturels (protéines végétales ou laitières, phospholipides, fibres alimentaires purifiées...) dont l'industrie abuse pour fabriquer des pseudo-aliments. Ces sources de calories vides posent problème parce qu'elles ne sont pas accompagnées des minéraux, vitamines et autres micronutriments que l'on retrouve dans les aliments à l'état naturel et dont l'organisme a un besoin fondamental.

Published 8 June 2016
Original in French
First published by Esprit 6/2016

Contributed by Esprit © Christian Rémésy / Esprit / Eurozine

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